"Ο λόγος ο εφήμερος βαστά μόνο μια μέρα
το άρωμά του όμως κρατεί και νύχτα και ημέρα"
Στ.Γ.Κ., Νοε. 2010

Le Kairos (=le temps), selon Marcel Butor (1926-2016)

 

 

Ο ΚΑΙΡΟΣ

«Épaississement et sécrétion du temps renvoient

à l’antique notion de kairos. Variante du dieu Chronos,

le kairos était représenté dans la mythologie grecque

par un jeune homme ailé coiffé d’une unique mèche de cheveux.

À son passage s’offrent trois possibilités : ne pas le voir,

le voir et ne rien faire, tendre la main et saisir la mèche

de cheveux. La dernière option correspond à l’opportunité

saisie, à un instant d’inflexion.

Le kairos indique donc une autre dimension du temps,

marquée d’une certaine profondeur, à laquelle l’individu

montre plus ou moins de sensibilité. Aujourd’hui perdue

de vue, cette vertu souligne en creux notre plus

grande passivité face au temps. L’improvisation musicale

est l’un des aspects de ce kairos : elle est en effet

création d’un temps qui devient œuvre à partir de

contraintes et d’un matériau donnés.

J’ai donné le nom d’Improvisations à certains de

mes textes critiques retranscrits d’après des

cours consacrés à Rimbaud, Flaubert ou Balzac.

Mes interventions étaient préparées, mais je ne

lisais jamais de notes, je n’avais pour guide que

le livre à commenter. Pour moi, un cours était

un voyage d’une citation à l’autre. Des sortes

d’escales. Les cycles «La capacité d’avoir prise sur

le temps varie grandement selon les âges de la vie.

D’abord ouverture dont la continuité laisse toujours

advenir des possibles, la vieillesse et l’approche

de la mort font davantage vivre le temps comme une

fermeture. Comment vivre cette fin, ce déroulement

qui n’est plus progrès perpétuel mais qui se referme

progressivement ? Une fois cette question posée, tout

devient urgent. Cela me rappelle un célèbre passage

des Essais où Montaigne raconte que, dans les salles

de banquets, les anciens Égyptiens plaçaient un

squelette afin de rappeler aux convives : “Profitez !

Buvez du bon vin tant qu’il en est encore temps !”

À certains malades, le médecin annonce :

“Il vous reste trois mois à vivre.” C’est la même

question : comment remplir ces trois mois le plus

intelligemment pour vous et pour autrui ?

À l’échelle plus collective de l’humanité, on

retrouve la même problématique. Quelle notion de

progrès peut-il y avoir pour une espèce sans

doute vouée à disparaître ? Il s’agit d’un

thème fondamental de la pensée antique et

médiévale, qui concevait l’univers bâti selon

un système de correspondances : le fonctionnement

du corps humain répondait à l’agencement des

planètes, microcosme résonnait avec macrocosme.

Dans La Science nouvelle, le philosophe et historien

Giambattista Vico [1668-1744] raconte l’histoire

des sociétés sur le modèle de celle d’un individu :

elles ont donc une enfance, une maturité, une

vieillesse et une mort. Ce thème de la mort des

sociétés nous renvoie au thème fondamental en

religion de la fin du monde, à l’eschatologie

liée dans le christianisme au jugement dernier.

Ce n’est qu’au moment où notre monde disparaît pour

se transformer en enfer et en paradis que l’on

comprend qui est qui, qui sont les bons et qui

sont les mauvais. »

 

 

 

 

 

 

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